Marguerite Bornhauser

Etoile Rétine

L’une cendre dans sa cannette de boisson énergisante, les yeux rivés sur le poignet de l’autre.

Elles avaient mélangé les vols d’hirondelles à la chaleur des cigales en doppler, changeant leurs iris en globes d’ivoire.

Les points ondulaient dans une invisible étuve. L’ombre se dérobait aux surfaces, la mémoire vive alors exposée, grillait sous le même astre qui l’avait vue naître.

L’autre sort sa main par la fenêtre. Le métal brûle sa paume, mais en se concentrant sur le contact du vent, elle parvient à la laisser posée sur la carrosserie, s’habituant graduellement à cette sensation contradictoire.

Assa, museau nacré, était abonnée aux drames aoutiens, prisonnière de son palindrome prophétique. Son nom refléterait toujours son visage de chat. Chaque été, elle traversait une fracture caniculaire, comme gravée dans la lave d’une seconde, pendant laquelle le bras d’Orion s’allongeait imperceptiblement.

La main se détache du volant pour atterrir doucement sur la nuque de l’autre, à l’orée des cheveux, le pouce contre la carotide. Elle sent la pomme du coeur se confondre avec les vibrations du moteur.

Virgule ne suivait plus les caprices des signes. Elle était passée à autre chose, elle avait fait la mise à jour. Ses sillons tactiles étaient noircis d’une infinité de hiéroglyphes magnétiques. Elle caressait la peau des parchemins virtuels, braille charnel des images sarcophages. Ses pulpes étaient les juges d’une réalité capacitive.

Elle croyait ce qu’elle touchait.

L’espace sonore de l’habitacle est saturé par le vent, les différents spectres se remplissent comme par tranches de couleur. Elles ne parlent plus depuis longtemps, presque ivres du battement régulier dans leurs tympans. Le véhicule décélère, un panneau indique : étoile rétine.

Flavien Berger, 2021
Texte du livre : Percevoir, Marguerite Bornhauser, Editions La Martinière.