Marguerite Bornhauser

Red Harvest

 

L’exposition Moisson Rouge, exposée lors de Paris Photo, emprunte son titre au livre Red Harvest de Dashiell Hammett, pionnier du roman noir améri- cain. L’artiste présente une sélection de clichés issus de sa production récente qui, par des associations visuelles inédites, semblent être le point de départ d’un récit énigmatique. Ces images plantent un décor où la torpeur des ciels d’été, des corps indolents et des jeux de lumière se trouve soudain interrompue par le bris d’un verre ou une éclaboussure – autant d’indices que quelque chose vient de se passer.

 

Le travail de Marguerite Bornhauser mêle scènes fortuites et compositions soigneusement construites, brouillant ainsi les pistes entre réalité et ction. En refusant de légender ses images et de les situer dans leur contexte de prise de vue, l’artiste fait de tout cliché l’origine d’un récit volontairement subjectif. Son langage photographique, marqué par des couleurs intenses, des ombres implacables et des plans rapprochés, offre une libre interprétation du réel.

 

« (…) Ici encore, nous trouvons l’association et les fausses pistes, le familier et l’inconnu, la gure et le motif, la vie et ses contreparties négligées. Lee Friedlander a un jour dit que l’extraordinaire en photographie, c’est qu’on prend la photo d’une chose et qu’on obtient toutes ces autres choses : en bordure de cadre ; au coin de l’œil ; dans la superposition des couleurs et des ombres ; la subtilité aux limites du spectre observable. Le travail de Bornhauser n’est pas passionnant du fait qu’à la façon d’un styliste d’aujourd’hui, elle créerait son petit monde chromatique maniéré, mais parce qu’à la manière du collaborateur de la Continental, elle accomplit le dif cile travail de l’observation, assemblant les fragments du monde jusqu’à ce qu’ils constituent un tout plus important que leur simple addition. Dans Red Harvest, les détails chromatiques pourraient être perçus de manière anecdotique, comme des apartés atmosphériques destinés à sublimer la puissance immersive de la ction. Mais dans Moisson Rouge, les corps brûlés par le soleil, les eaux trop lumineuses, les cieux embrasés et les ombres brisées produisent autre chose. Plutôt que de proposer une fausse réalité dans laquelle nous pourrions nous perdre, ces éléments nous extraient de la vie telle qu’elle est vécue, ou tout du moins comme nous la vivons habituellement en surface, pour nous entraîner profondément dans une vérité alternative hyper-présente et super-saturée. Et comme c’est le cas pour l’éclatante cravate rouge de Red Harvest, les couleurs ne sont ici jamais purement ou simplement symboliques, elles ne signi ent rien de spéci que ou de précisément dé ni. Au contraire, la couleur elle-même signi e, par sa présence et son apparence, sa variété et son intensité, son organisation et sa disposition, que nous sommes ici dans un monde original, et que nous le voyons différemment. »

Simon Baker, Directeur, MEP, Paris Août 2019

 

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